Les levades faisaient autrefois partie intégrante des pratiques d’irrigation des campagnes limousines. Ces petites rigoles, creusées le long des crêtes des champs, permettaient à l’eau de ruisseler sur les prés en hiver. Résultat : l’herbe ne gelait pas et les pâtures offraient de meilleurs rendements pour l’élevage.
Abandonnées après la Seconde Guerre mondiale, les levades demandaient un entretien constant et une main-d’œuvre nombreuse — celle des familles paysannes d’alors. « Passer deux ou trois heures par jour à ça, ce n’était plus dans l’ordre du jour de la nouvelle agriculture », sourit Marc Poulet, agriculteur à Tarnac. Aujourd’hui, les engrais chimiques ont remplacé ces efforts collectifs : ils enrichissent les sols et favorisent l’herbage sans exiger la même énergie humaine.
Marc entretient encore quelques levades, plus pour la mémoire que pour le rendement. « C’est surtout pour montrer comment faisaient nos anciens », explique-t-il, un brin nostalgique. « Je me souviens avoir vu des truites dans ces rigoles quand j’étais gamin. »
Ce reportage, réalisé avec le contrat territorial Sources en action, met en lumière un constat simple : les techniques d’hier étaient indissociables du mode de vie qui les soutenait. En l’occurrence, la famille paysanne, capable de mobiliser une main-d’œuvre abondante, là où l’agriculture moderne repose sur des exploitants qualifiés, mais souvent seuls. Cette évolution sociale rend presque impossible le maintien de ces pratiques, pourtant bénéfiques pour les sols, la qualité de l’eau, les zones humides et la biodiversité.
« Une technique n’existe jamais seule ; elle s’inscrit toujours dans un contexte social, économique et politique », rappelle Jamie Linton, chercheur en environnement à l’université de Limoges. Selon lui, face au changement climatique, il faut puiser dans ces savoir-faire anciens pour inventer les solutions de demain.
Marc et Jamie en sont convaincus : réhabiliter les levades serait une bonne chose. Mais leur retour, disent-ils, supposerait plus qu’un simple geste technique : un véritable changement de société.