La saga du Bois du Chat

La saga du Bois du Chat

Série de reportages, août 2024

Au sommaire

La coupe rase de trop ?02'29''

"Cette forêt [...] nous allons approfondir notre habitude déjà prise depuis six semaines d'y séjourner. Et s'il le faut, pour qu'elle reste debout, nous allons y habiter."

Le bois du Chat a déjà subi une première coupe rase. Le 21 janvier dernier, une petite foule s'y réunit pour le défendre.

Le Parc naturel régional a tenté de négocier avec les propriétaires, mais ils ont décliné l’offre.

Dans un paysage de feuilles mortes et de rochers, trois personnes autour d'une banderole "Avec les arbres et les bûcherons, contre le pognon". Un titre sur l'image : Au bois du Chat à Tarnac, la coupe rase empêchée.Bois du Chat : la coupe rase empêchée02'35''

Le bois du Chat est encore debout. Sur la commune de Tarnac, une trentaine de personnes ont reçu les bûcherons pour leur signifier leur opposition à la coupe rase de feuillus qui devait s'y réaliser. Ces derniers sont repartis sans histoires, sous les applaudissements.

Derrière cet exemple emblématique, c'est la révision du Schéma régional de gestion sylvicole de la Nouvelle Aquitaine qui est en jeu, et avec lui les incitations financières contradictoires liées aux zones Natura 2000 et au plan France relance.

Dans la confusion, un petit groupe de personne monte une pente dans un bois, encadrées par trois gendarmes.Cache-cache au bois du Chat03'18''

Les tronçonneuses commencent à chanter. Une poignée d'arbres tombent. Une petite foule accourt, le travail s'interrompt et une conversation presque cordiale s'instaure avec les gendarmes venus sécuriser la zone. Nous sommes au matin du 1er mars au bois du Chat, sur la commune de Tarnac.

Le « Comité de défense du bois du Chat » entend bien en faire un symbole : c'est un bois de feuillus sur un versant de la Vienne amont, que les propriétaires veulent raser malgré les efforts du Parc naturel régional (PNR de Millevaches) pour les en dissuader. En dépit de ses effets délétères sur la biodiversité, ce type de sylviculture est encore légal en France.

Le Syndicat des exploitants forestiers, scieurs et industriels du Limousin (SEFSIL) prévoit de se mobiliser à son tour le lundi 6 mars pour défendre le droit à réaliser ce type de travaux. Une journée lors de laquelle les enjeux politiques et médiatiques de ce petit bois devraient déborder du Limousin.

Discours prononcé depuis l'arrière d'un pickup, en bord de route dans un bois, devant une centaine de personnes. Micros et caméras.Au bois du Chat, on s’engueule et on s’assoit04'00''

Peut-on encore faire des coupes rases de feuillus ? La forêt est-elle un bien commun ? Est-il légitime de s’interposer pour empêcher des travaux, irréparables mais légaux ?

Lundi 6 mars, à l’initiative du Syndicat des exploitants forestiers, scieurs et industriels du Limousin (SEFSIL), la filière se réunissait pour affirmer son droit à travailler sans entraves à la coupe rase programmée du bois du Chat : un « comité de défense » s’est interposé à plusieurs reprises pour empêcher les travaux.

En dépit d’une démonstration de force et d’unité, les discours prononcés ce matin-là indiquent qu’une partie au moins de la filière se remet en question. Elle n’aime juste pas qu’on lui force la main. Malgré une défiance palpable, élus et professionnels de tous bords ont convenu d’organiser prochainement une table ronde.

Un sursis pour le bois du Chat ?

Philippe Brugère, président du Parc naturel régional (PNR) de Millevaches, s'adresse aux journalistes.Bois du Chat : le PNR de Millevaches obtient la fin du secret des affaires04'33''

La "petite affaire" du Bois du Chat n'en finit pas de déborder du cadre géographique restreint auquel elle aurait pu rester cantonnée. Cette parcelle de feuillus sur la commune de Tarnac en Corrèze était vouée à la coupe rase, mais un collectif de voisins a entrepris de la défendre avec opiniâtreté depuis l'automne 2022. Après la couverture médiatique nationale du conflit qui en a émergé, une manifestation de la filière bois en faveur de la coupe, l'intervention d'élus d'un côté et de l'autre, voilà maintenant qu'elle crée un précédent pour l'ensemble des forêts privées de France.

Le 11 janvier dernier en conférence de presse, le président du Parc naturel régional (PNR) de Millevaches Philippe Brugère annonçait qu’il avait obtenu gain de cause auprès de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) : le Centre national de la propriété forestière (CNPF) a l’obligation de lui communiquer le plan de gestion de la parcelle. C'est une première pour la transparence dans la gestion des forêts. Les données à caractère nominatif et économique restent toutefois confidentielles. C'est l'essentiel, le volet environnemental, qui est dévoilé.

Une première en forme de jurisprudence : à partir de maintenant, le secret des affaires ne pourra plus être invoqué pour maintenir l'opacité. La société civile et les collectivités pourront s'appuyer sur cette information pour lancer l'alerte quand elles soupçonnent des irrégularités. Selon Gérard Monédiaire, membre du conseil scientifique du PNR, c’est la fin d’une « dissymétrie d’information » qui donnait lieu à une « rupture d’égalité manifeste » entre les parties.

Le PNR de Millevaches y gagne au passage une certaine épaisseur politique. Les commentaires formulés par Philippe Brugère et Gérard Monédiaire dans cette brève en témoignent.

Commission d'accès aux documents administratifs : avis n° 20236891 du 14 décembre 2023.

Un bois raséBois du Chat : une victoire citoyenne02'31''

Les travaux entamés en octobre 2022 dans la forêt de feuillus avaient été interrompus par la présence physique d’habitants de Tarnac et des villages alentours. Une mobilisation vivement critiquée et considérée comme illégale par bon nombre de détracteurs. Finalement, le verdict est tombé et des amendes ont été prononcées contre le propriétaire du terrain, le GFA Cloup (500 euros), l’exploitant ARGIL (5 000 euros), la SARL Ausset et fils ayant effectué la rampe de débardage (3 000 euros). La décision sonne comme un pied de nez face à ceux qui assuraient agir en toute légalité. « Non, être propriétaire d’une parcelle ne nous autorise pas à faire ce qu’on veut, il y a des lois. Nous avons eu raison de dire qu’il y avait des irrégularités sur cette coupe » rappelle Corinne Ferraron, chargée de la partie juridique durant la mobilisation.

Motif retenu : la non déclaration du franchissement d’un ruisseau. Une fois alertées par le collectif, ce sont les associations Canopée - Forêts vivantes, France Nature Environnement et Sources et Rivières du Limousin qui ont saisi la justice. « Pour le moment, c’est l’unique motif de condamnation retenu par la composition pénale (une mesure alternative aux poursuites, permettant de juger rapidement les auteurs de l'infraction). Avec les associations, nous réfléchissons à poursuivre la procédure, puisque les dégâts causés en matière de biodiversité n’ont pas été pris en compte », explique Corinne. Affaire à suivre.

Fiche technique

Titre : La saga du Bois du Chat
Durée :
Date de production : août 2024
Format : HD 1080
Production et distribution : Télé Millevaches
Réalisation : Télé Millevaches
Droits : Attribution - Pas d’utilisation commerciale - Partage dans les mêmes conditions 3.0 France (CC BY-NC-SA 3.0 FR)
Rushes conservés : oui
Photos du tournage : non
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