Barbara Glowczewski, anthropologue
« Les luttes autochtones sont aussi les nôtres »
Selon Barbara Glowczewski la manière de pratiquer l’anthropologie a subi des changements dans les années 70. Les biais de la société patriarcale ont été remis en question et une nouvelle génération de femmes anthropologues s’est mise à observer les peuples autochtones du monde entier. C’est ainsi que Barabara Glowczewski commence en 1979 son premier terrain d’étude : les peuples Warlpiris du désert central d’Australie. Là où les précédentes observations avaient conclu que les femmes Warlpiris ne jouaient aucun rôle dans les prises de décision au sein des tribus, l’anthropologue démontrera que ces dernières avaient au contraire une implication fondamentale dans le fonctionnement social. En charge de l’éducation des enfants, elles étaient en réalité d’une grande influence dans les choix collectifs. Mais d’une manière moins démonstrative et symbolique que les hommes.
L’autre changement fut la question de l’engagement aux côtés des populations autochtones. Comment se contenter d’observer un peuple qui, dans le même temps, subit l’acculturation et la spoliation foncière par les forces coloniales occidentales ? Comment prendre parti sans trahir le travail de recherche ? Une fois encore Barbara Glowczewski fut de cette génération d’anthropologues engagée dans les différents combats autochtones tout en prenant le risque d’être discréditée au sein des institutions scientifiques.
Après avoir embrassé les luttes aborigènes, puis kanak en Nouvelle-Calédonie, elle rentrera en France pour se retrouver du côté de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et des territoires en recherche d’autonomie politique et matérielle tels que le plateau de Millevaches. C’est d’ailleurs sur le Plateau qu’elle dirigera avec Geneviève Pruvost, Marie-France Houdart et Guillaume Maigron, l’écriture du livre Des énergies qui soignent en montagne limousine, recueil d’enquêtes menées par des étudiants et habitants auprès de guérisseurs locaux. Car les « mondes invisibles » ont toujours occupé une grande place dans le travail de Barbara. Le rêve d’abord, structurel pour les sociétés aborigènes, puis le travail des chamans guérisseurs du Nord-ouest australien, réputés capables de guérir des calculs rénaux en quelques instants.
À la question que nous avions posée à Philippe Descola sur le retour en France et en Occident à des formes de spiritualités païennes et morcelées, Barbara Glowczewski répond que « la fragmentation et les particularités ne sont pas un problème tant qu’elles n’empêchent pas les communautés de se relier ». Elle conclut avec son concept d’hypercube, qui explique comment les tribus pourtant étalées sur un territoire aussi immense que celui de l’Australie, et portant chacune des us et coutumes particuliers, ont su construire un monde cohérent et partager un récit commun. L’anthropologue nous invite à trouver l’inspiration dans l’art de vivre de ces sociétés en nous rappelant que les luttes autochtones sont aussi les nôtres.
00:01:13 La ZAD de Notre-Dame-des-Landes et le plateau de Millevaches.
00:03:41 Pourquoi l’Australie comme premier terrain d’étude ?
00:07:22 Le rôle des femmes dans les prises de décision chez les Warpilis.
00:16:07 Le pouvoir des guérisseurs aborigènes.
00:21:09 Le rapport entre la médecine moderne et les guérisseurs en Australie.
00:30:35 L’engagement auprès des luttes Warpilis a-t-il nui à sa carrière universitaire ?
00:34:54 L’actualité des luttes kanak en Nouvelle-Calédonie.
00:41:20 Les chercheurs vont avoir de plus en plus de difficultés à s’engager dans les luttes. La situation à Gaza, par exemple, a créé une forme de censure inquiétante dans les milieux scientifiques.
00:43:05 Les liens entre les luttes « terrestres » du monde entier : Kanak, Aborigènes, Zadistes, Soulèvements de la Terre…
00:51:50 Le livre « Des énergies qui soignent en Montagne limousine », réalisé sur le plateau de Millevaches.
00:58:36 Comment produire une révolution cosmopolitique sans la dimension du sacré ?
01:05:09 Pourquoi appelle-t-on les guérisseurs aborigènes des chamans alors qu’en France on les appelle des charlatans ?
01:07:38 Que penser des mouvements néo-païens qui se popularisent de plus en plus en Occident ?
01:18:30 Ces spiritualités émergentes participent-elles à créer de nouveaux récits communs ou au contraire à davantage fragmenter la société ?
Pour en savoir plus
Philippe Descola, anthropologue73'
C’est en étudiant le peuple Achuar en Amazonie que Philippe Descola dit avoir réalisé, par effet de miroir, les impasses de la pensée moderne. Selon lui, l’une des grandes erreurs de la philosophie occidentale se commet à partir du 17ᵉ siècle, lorsqu’elle commence à séparer l’être humain de son milieu de vie en inventant le concept de « nature » qu’elle oppose à celui de « culture ». Ce que le philosophe nomme le « naturalisme » naît dans cette dichotomie mentale que la civilisation occidentale produit et qui la conduit à considérer la nature comme une ressource extérieure à dominer et exploiter à souhait, aboutissant à la prédation du capitalisme moderne et à la destruction écologique qui l’accompagne.
« En revenant en France, j’ai découvert des collectifs alternatifs qui défendaient des positions très proches de ce que j’avais pu connaître en Amérique Latine. J’ai tout de suite été séduit par l’inventivité qu’ils manifestaient pour inventer des relations aux autres qu’humains dans des milieux de vie », dira-t-il au début de l’entretien, faisant notamment référence à sa visite de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Il poursuivra en affirmant que si la répression contre ce type de mouvement est aujourd’hui si brutale, c’est précisément parce que ces nouvelles manières d’habiter et de lutter sont une voie vers la sortie du naturalisme, et donc une menace pour le capitalisme.
Mais sortir d’une philosophie qui a constitué notre univers mental est-il si facile ? La question occupera une grande partie de cet entretien, entre la manière dont les militants de la ZAD ou d’ailleurs tentent de nouer de nouveaux rapports avec le non-humain, les rituels expérimentés en collectif, ou encore l’épineuse question de la spiritualité et du rapport magique au monde. Ces questions sont loin d’être simples tant le rapport aux « esprits » est quelque chose qui semble aujourd’hui bien loin de l’être occidental. « Les esprits ne sont pas toujours sympa, hein ! », nous dira d’ailleurs, espiègle, Philippe Descola en racontant comment le peuple Achuar peut aussi faire preuve de violence sociale au nom des « esprits », car tout n’est pas rose au pays des autochtones, et il faut toujours se garder de romantiser et de céder aux idéologies faciles, nous rappellera-t-il enfin peu avant la fin de l’entretien.
Nouvelle-Calédonie : veillée électorale sur le plateau07'26''
Le week-end du 3 octobre dernier, se tenait à Tarnac une rencontre organisée par le Mouvement de la jeunesse des Kanaks de France (MJKF), à l’occasion du deuxième référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. Au programme et en attendant les résultats : des ateliers, des repas partagés et un concert qui a duré à peine quinze heures.
Deux membres du mouvement expliquent leur engagement et les enjeux de la relation entre la France et la Nouvelle-Calédonie. Au matin du dimanche, le « non » à l’indépendance recueille 53,26 % des voix. Le « oui » progresse de trois points par rapport au premier référendum de 2018, à presque 47 %.
Un troisième référendum, prévu par les accords de Nouméa, se déroulera en 2022.
A la source
Rencontre avec le maire de Tarnac, également sourcier. Démonstration.
Intervention du maire de Gourdon-Murat, sourcier.
Références
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Fiche technique
Titre : Barbara Glowczewski, anthropologue
Durée : 84'
Date de production : octobre 2024
Format : HD 1080
Production et distribution : Télé Millevaches
Réalisation : Florent Tillon
Droits :
Rushes conservés : non
Photos du tournage : non
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